Ce 10 novembre 2020, Apple a présenté trois nouveaux Macs lors de son « Apple Event » réalisé cette année sans public mais dans un cadre prestigieux. Si les ordinateurs proposés ne diffèrent pas réellement de leurs prédécesseurs en apparence, c’est sous le capot que se trouvent les vrais changements, et pour le coup, c’est une vraie révolution !
En effet, les 3 machines présentées, un Mac Mini, un MacBook Air et un MacBook Pro, sont les premiers Macs équipés de la puce M1, le premier microprocesseur pour ordinateurs de la marque Apple. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’Apple conçoit son microprocesseur, puisque depuis quelques années, tous les smartphones et tablettes de la marque (iPhone, iPad) sont équipés de puces estampillées du fameux logo pommé. Alors vous allez me dire, mais quel est le changement ? Le changement, il est, mine de rien, assez énorme : ces trois nouvelles machines ne seront plus équipées de microprocesseurs Intel, marque leader du marché des processeurs pour ordinateurs individuels et serveurs.
Si vous n’êtes pas familier avec l’architecture informatique, un changement de microprocesseur implique un nouveau jeu d’instructions et rend globalement les logiciels antérieurs à cette architecture incompatibles avec elle. Pour prendre un exemple : imaginez un nouveau PC sur lequel le logiciel Windows ne fonctionnerait plus, ainsi que tous les programmes qui sont compatibles avec Windows. Dans le monde PC-Windows, on ne s’est jamais risqué à rendre incompatibles les nouveaux PC avec le système d’exploitation Windows, ni avec les nombreux logiciels qui tournent dessus. On préfère une évolution lente, très lente, mais du coup frappée d’une certaine forme d’immobilisme. Pour Apple, qui maîtrise son infrastructure matérielle et logicielle, c’est le contraire. Et en plus, ce n’est pas la première fois qu’ils font ce pari, mais la troisième.
Les premiers ordinateurs Apple (avant le Mac) tournaient avec un processeur MOS Technology 6502, un processeur 8 bits. La sortie du premier Macintosh en 1984 introduisit la gamme des processeurs Motorola 68000 (16/32 bits) et tous les Macintosh classiques utilisèrent des processeurs de cette gamme jusqu’en 1996. A partir de 1994, les ordinateurs de la gamme Power Macintosh utiliseront le processeur PowerPC de Motorola. Les ordinateurs conçus après le retour de Steve Jobs : iMac, eMac, iBook… continueront à utiliser des PowerPC jusqu’en 2006, où Apple opère sa transition vers les processeurs de la marque Intel, qui équipaient déjà tous les PC tournant sous Windows. A chaque transition, les logiciels devenaient incompatibles avec le nouveau matériel commercialisé, mais cela fut rendu presque transparent pour l’utilisateur final. Par exemple, lors de la transition depuis l’architecture PowerPC vers celle d’Intel, les processeurs étant totalement incompatibles, Apple ajouta une couche d’émulation du processeur PowerPC (Rosetta) dans son système MacOS X, permettant au système de continuer à faire tourner les anciennes applications sur l’architecture Intel, avec assez peu de ralentissement. La transition se fit donc en douceur.
Après le Mac vint l’iPhone puis l’iPad, ces appareils mobiles de nouvelle génération. Tous ses appareils ne fonctionnaient plus avec les microprocesseurs conventionnels que l’on trouvait sur les PC, mais avec des ARM, des processeurs à jeu d’instructions simple de type RISC et à faible consommation d’énergie. Le premier iPhone était équipé d’un ARM fabriqué par Samsung. Mais à partir de l’iPad, Apple conçoit ses propres puces : Apple A4, A5, etc, toujours fabriquées par Samsung puis sous-traitées à d’autres sociétés. On parle alors plus de SoC (System on Chip, ou système sur puce), qui est une puce intégrant tout un tas de composants qu’on retrouvait auparavant sur une carte mère (CPU, processeur graphique, mémoire vive…). Apple fonde Apple Silicon qui conçoit alors toutes les puces qui vont équiper ses appareils. On se retrouve désormais avec des composants très miniaturisés, des puces gravées en 5 nm (nanomètre) et qui contiennent plusieurs millions voire milliards de transistors.
C’est fin 2020 qu’Apple annonce qu’elle va équiper ses ordinateurs Mac d’une puce ARM, le M1. C’est là que la technologie installée dans nos smartphones et dans nos tablettes depuis plus d’une décennie va rejoindre nos ordinateurs de bureau et peut-être les révolutionner. Qu’est-ce qu’est censé apporter ce changement aux Macs ? Dans sa présentation du 10 novembre, Apple annonce les évolutions suivantes :
- Performances du processeur x 3
- Performances graphiques x 5
- Vitesse du disque SSD x 2
- Consommation d’énergie réduite
- Autonomie accrue (sans augmentation de la taille de la batterie) sur les MacBook Air (18h) et Mac Book Pro (20h), en raison notamment de la faible consommation du processeur.
- Compatibilité avec les anciennes applications Intel grâce à l’émulateur Rosetta 2
- Compatibilité avec les applications iPhone et iPad, s’exécutant déjà sur l’architecture ARM.
- Un prix revu à la baisse : eh oui, les processeurs Intel coûtent cher et faisaient grimper le prix des ordinateurs Mac.
Plus qu’un effet d’annonce, les performances de ces nouvelles machines sont déjà mises à l’épreuve et ceux qui les ont essayées ont pu constater l’efficacité et la performance des Macs équipés de M1 en comparaison des machines équivalentes tournant sous Intel. Certains benchs annoncent que le processeur M1 surpasse le dernier Intel i9 dédié aux ordinateurs portables.
Apple a clairement choisi pour le lancement du M1 des ordinateurs portables (MacBook Air et MacBook Pro) et le Mac mini, qui est une machine d’entrée de gamme, parce que les performances du M1 peuvent être à l’avantage d’Apple sur cette catégorie de machines. Intel n’est pas très bon sur ce type de machines : ses processeurs mobiles consomment beaucoup d’électricité, ils chauffent. Équipé de la puce M1, le nouveau MacBook Air n’est pas muni de ventilateur. Ça veut tout dire. Sur les ordinateurs de plus grande puissance, tels que l’iMac ou le Mac Pro, il est en revanche difficile de penser que le M1 puisse rivaliser, car c’est avant tout une puce dédiée aux machines portables ou requérant une puissance réduite. Cela concerne malgré tout une part très importante du marché des ordinateurs.
Que nous annonce ce changement chez Apple et quelle influence cela peut-il avoir chez les autres constructeurs ? Si la quasi totalité des ordinateurs du marché utilisent des puces Intel (ou compatibles), cela pourrait bientôt changer. Les processeurs ARM sont déjà utilisés sur les smartphones et les tablettes dont le nombre dépasse maintenant de loin celui des ordinateurs individuels (PC). Si certains acteurs du marché ont déjà lancé des modèles d’ordinateurs portables à base d’ARM, comme Microsoft, avec sa tablette Surface, cela reste minoritaire et pas sûr que les ventes suivent. Apple a déjà prouvé qu’elle était capable d’effectuer plusieurs transitions de ce type, sans que cela soit très gênant pour les utilisateurs, et va montrer sans aucun doute la voie. Problème : qu’est-ce que Microsoft est en mesure de proposer pour que la même transition dans le monde du PC puisse s’effectuer sans douleur, et le fera-t-il seulement ?